Aujourd'hui, cap sur la côte, on a repéré des hébergements sur des plages apparemment loin de tout, ça nous tente bien. Notre premier choix étant complet, on se rabat sur la guesthouse voisine, Jophira Tintin qui a l'air de proposer le même genre de bungalows. On quitte donc le Danau Maninjau en début de matinée direction Bungus petit village de pêcheurs au sud de la ville de Padang. On y arrive vers 13 h et on monte dans le petit bateau de pêcheur qui nous dépose 1 h plus tard sur notre plage.


Cette portion de côte est truffée de petites îles à seulement quelques kilomètres et est surtout le point de départ pour les Mentawaï à 100 km de là. Le bateau s'échoue sur la plage et on saute directement dans l'eau pour décharger nos sacs. Le ton est donné. Cette plage n'est pas sur une île, elle est sur Sumatra, mais elle est encerclée par la jungle et de hautes falaises qui rendent son accès par voie terrestre impossible. Devant nous, le bleu turquoise de la mer, les îles en face, et derrière, la jungle impénétrable qui débute à 10 m de l'eau, et qui semble accrochée aux falaises. Pas un soupçon de connexion téléphone ni internet, pour le plus grand plaisir de certains, moins pour d'autres, notre seul lien avec la "civilisation": le bateau, petite pirogue au moteur très capricieux qui n'est pas souvent là.


Côté logement, c'est surement un peu moins confort que notre premier choix qui était tenu par un couple franco-indonésien. Notre hôte s'appelle Raoul, il est très sympathique mais a les standards d'entretien indonésiens. On pourra faire sur les cinq jours que nous passerons ici, des études approfondies d'entomologie, les bungalows ouverts aux 4 vents nous donne un peu l'impression de dormir à la belle étoile. Alors bien sur, on se réfugie sous nos moustiquaires la nuit, le soucis c'est que ces gentilles petites bêtes passent directement à travers le plancher ajouré pour venir nous rendre visite dans nos lits. Tiens c'est quoi la grosse araignée sur la moustiquaire d'Anouk, et la mini Menthe religieuse, et la grosse sauterelle? Euh, elles sont pas sur, elles sont dans sa moustiquaire... Ah bon donne moi deux tongs, on va régler ça alors. Bref en 4 jours, on se sera fait plus piquer par les moustiques et autres insectes qu'au cours des 5 mois précédant. Mais ça donne un petit côté aventure très sympa, ajoutées à cela l'humidité et la chaleur permanentes qui font que tu n'as plus un poil ni une fringue sèche au bout de 3 jours, on se serait presque cru dans une émission de survie en milieu hostile. Surtout que Raoul, niveau intendance, il est pas au top, du coup c'est nasi goreng matin midi et soir et au bout de 3 jours, il y a une pénurie de farine, chocolat, gingembre, citron, on se dit qu'à ce rythme on va finir par devoir aller dans la jungle se chercher des cocos.


Mais bon, ce que nous perdons en confort, on le gagne en ambiance, on a la plage pour nous. On est quasi seuls dans la guesthouse avec Malcom, Francis et le staff de Raoul. Malcom, un anglais sans attache à la retraite, longue barbe blanche impeccable façon robinson. Il est passionné d'oiseaux et se balade sur la plage dès l'aube avec ses jumelles pour observer les toucans, aigles et enchaîne les voyages : après presque un an en inde, il est en Indonésie depuis un mois et retourne bientôt à Londres pour une semaine, car il "s'y sent comme un touriste" avant de repartir sans doute sur le Maroc ou autre... Francis est allemand, c'est la quatrième fois qu'il vient en indonésie, à chaque fois pour ses 2 mois de vacances et a déjà visité une bonne partie de l'est de l'archipel. Et bien sur, le staff, une dizaine d'indonésiens tous souriants et sympathiques, des cuisinières au capitaine du bateau, du coup le soir on se croit dans leur maison, ils sortent les percus et les guitares et improvisent un petit concert. 


Dans la journée, on a juste à enfiler palmes, masques, tubas et aller barboter en face à 50 m des bungalows pour se retrouver dans un vrai aquarium. Tous les poissons de dessin animé sont là avec des couleurs plus vives les uns que les autres, dans à peine 1,5 m d'eau. Mais l'attraction du coin pour nous en tous cas, ce sont les tortues. Apparemment, il est assez facile de les observer. De fait dès la première sortie on en trouve deux à quelques coups de palme de la plage, les suivre sur quelques mètres en apnée est vraiment magique. On en observera une bonne douzaine sur les 5 jours passés ici en particulier depuis un promontoire rocheux en bout de baie où on ira pour essayer de pêcher. Accès sympathique à marée basse en marchant sur le reef découvert (avec des chaussures du coup), puis passage par une petite grotte pour finalement escalader ce petit piton rocheux qui marque la fin de la baie. Du coup, du haut de ses 10 m, on a une vue imprenable sur ce qui semble être un lieu de passage de toute la faune sous-marine et comme l'eau est translucide, on voit passer les bancs de poissons, un requin de récif d'un bon mètre et tous les jours 1 à 2 tortues qui viennent brouter les algues sur les rochers qui se découvrent.


Le soir au repas, les aboiements de Jack le chien de Raoul annoncent l'arrivée d'un cochon sauvage. Quelques secondes après, on le voit, plus proche du sanglier, traverser la plage, faire face à Jack, le charger puis repartir dans la jungle. On en verra quasiment tous les soirs. Et le matin, le réveil se fait aux sons des bruits de la jungle, des oiseaux d'une part mais surtout des singes en particulier les gibbons très nombreux dans cette région. C'est un vrai concert, on a l'impression qu'ils sont juste derrière nous mais ils sont très difficiles à observer. Du coup Anouk s'essaie au cri du singe et ça marche assez bien puisqu'on croirait presque qu'ils lui répondent.

On profite du bateau pour s'organiser quelques sorties sur les 5 jours, sortie pêche traditionnelle, pas vraiment fructueuse, sortie snorkelling un peu plus loin et surtout un aller-retour à Pulau Merak une île située à une dizaine de km de notre plage. Après un faux départ le matin à cause du mauvais temps, on embarque en milieu d'après-midi dans une pirogue à balancier, le moteur de l'autre bateau ayant définitivement rendu l'âme, on avait déjà cru lors des précédentes sorties qu'il faudrait terminé à la nage. On navigue pendant à peu près 1 h entre les îles et on finit par débarquer sur une belle plage de sable blanc au sud de Pulau Merak. Là aussi, à part le sable et la jungle, il n'y a rien. On se balade un peu sur terre, beaucoup sous l'eau, les fonds sont complètement différents : le corail est ici du corail brun, il forme une véritable forêt sous marine à seulement 10 m de la plage et dans ce labyrinthe de branche encore des centaines de petits poissons multicolores. On tombe même sur un curieux serpent annelé bleu turquoise/noir d'un mètre, occupé à fouiner dans le corail et sur un barracuda de plus d'un mètre de long et de 15-20 cm de haut. On s'immobilise mais quand il nous voit il disparaît en moins d'une seconde. On apprendra plus tard que la morsure du serpent de mer est mortelle à coup sur, mais qu'il n'attaque que si on l'embête, bien, bien bien...


Ces 5 jours de robinsonnades passent vite et on reprend finalement le bateau en sens inverse pour revenir "à la ville" en laissant le staff seul sur sa plage presque déserte. On quitte Jophira Tintin juste après une grosse averse, et après 1 h de navigation en tractant le second bateau en rade, on débarque à Bungus, le même village de pêcheur qu'à l'aller où une voiture nous attend pour nous emmener à l'aéroport de Padang. Sur la route, notre chauffeur dépose Laure et Christian à leur hôtel, pour eux c'est presque la fin des vacances, une nuit à padang puis vol pour Jakarta d'où ils décolleront pour la France. De notre côté, on continue vers l'aéroport pour décoller vers Yoghakarta.


Au revoir Sumatra, bonjour Java!


Sumatra restera surement dans les meilleurs souvenirs du voyage, la partie la plus éprouvante aussi avec des transports les plus longs qu'on ait connus, mais la réccompense est au bout de la route avec des paysages splendides et une faune omniprésente, l'impression de pouvoir trouver des coins de nature encore préservée, à l'état vraiment sauvage.